Archives départementales des Yvelines

Découverte du mois de Décembre

Une petite église pour une grande histoire à Thionville-sur-Opton

Alors que l’église Saint-Nicolas semblait perdue, une grande campagne de restauration a permis de la conserver. Ce sauvetage a suscité des découvertes inattendues sur le patrimoine et l’histoire locale !

L'église Saint-Nicolas de Thionville-sur-Opton ©Cd78, Jean-Bernard Barsamian
L'église Saint-Nicolas de Thionville-sur-Opton ©Cd78, Jean-Bernard Barsamian

La renaissance de l’église Saint-Nicolas

Située dans le hameau de Thionville-sur-Opton, dans les environs de Houdan, l’église Saint-Nicolas est un petit édifice sans prétention. Bâtie entre le XVeet le XVIe siècle, elle a connu une histoire mouvementée. Elle a plusieurs fois été menacée de démolition entre la période révolutionnaire et le XIXe siècle. Il ne reste aujourd’hui que le chœur de l’église, volume auquel elle a été réduite en 1821 en raison de l’état sanitaire du bâtiment. L’emplacement de la nef disparue est évoqué par des arbres plantés devant le chœur. Petit à petit abandonnée, l’église a parfois servi de local à la mairie au cours du XXe siècle.

Fragile et en mauvais état, elle menaçait de s’effondrer quand a été lancé une campagne de restauration considérable (entre 2019 et 2021) qui a révélé toute la richesse et l’intérêt patrimonial de l’édifice et des objets qu’il contient. Le pôle patrimoine du Département des Yvelines a participé activement à ce projet aux côtés de la commune et de la DRAC : sur le plan financier par le moyen de subventions, dans le cadre de ses dispositifs d’aide à la restauration du patrimoine bâti et mobilier, et sur le plan scientifique grâce l’activité de conservation des Antiquités et Objets d’Art rattachée au pôle.

L’opération de restauration a sollicité de nombreux intervenants spécialisés et a concerné aussi bien l’édifice lui-même que les objets mobiliers de l’église. L’église elle-même n’est pas protégée au titre des monuments historiques, mais le retable (classé) et le relief (inscrit) qui s’y trouvent le sont. Les travaux et les recherches qu’ils ont nécessités ont permis de découvrir un certain nombre d’informations quant à l’histoire du lieu.


Les traces de familles locales importantes de la fin du Moyen-Âge

Les travaux de restauration menés sur l’édifice aussi bien que sur les objets ont révélé des informations sur l’histoire du bâtiment et sur ses potentiels commanditaires. L’église de Thionville-sur-Opton a été bâtie vers la fin du XVe siècle. Cette datation, permise par le style architectural, correspond aux éléments découverts pendant les travaux.

En ce qui concerne l’édifice, la restauration a notamment mis au jour la charpente du XVIesiècle de l’église (qui était masquée jusque là par un plancher ajouté au cours du XIXe siècle), ainsi que des décors peints sur les murs intérieurs. Ces derniers sont fragmentaires mais de bonne qualité. Ils ont été dégagés du badigeon qui les recouvrait de manière à les rendre visibles. Sur la charpente comme sur les murs de l’église, des armoiries sont représentées : un blason sculpté sur l’entrait bas de la charpente et six blasons ainsi qu’une litre funéraire peints sur les murs.

Ces armoiries sont à mettre en lien avec le relief en pierre et les dalles funéraires présents dans l’église.

Le relief a été le premier objet restauré de l’église. Il est inscrit au titre des Monuments Historiques. Il s’agit d’une représentation de la Mise au tombeau du Christ. Il peut être daté par son sujet et son style du début du XVIe siècle. Il a été peint et doré à plusieurs reprises : on en voit encore les traces sur les costumes à l’orientale des personnages qui portent le Christ (Joseph et Nicodème).

La forme du relief permet d’imaginer son emplacement d’origine : au-devant d’un autel ou en ornement du tombeau d’un seigneur. Il n’y figure aucune inscription, mais la représentation d’un chevalier en armure accompagné de son saint patron à droite du relief permet d’établir des hypothèses quant à l’identité du donateur. Le saint est saint Gilles l’Ermite, reconnaissable grâce à la biche qui se trouve auprès de lui, une référence à sa légende.

Il y a plusieurs armoiries représentées dans le petit espace de l’église. Si l’on en croit les textes qui évoquent les seigneurs de Thionville, ils sont plusieurs à se partager les droits sur ces riches terres agricoles du plateau. Au XVIe siècle, période de la construction du chœur, la famille principale est celle de Villequoy. Or, on connait par les documents un Gilles de Villequoy seigneur en 1551. Il y a une branche des Villequoy en Normandie qui porte les armes « D'azur, à trois coqs d'or, crêtés, membrés et barbés de gueules. » Ceux de Thionville ont deux coqs et un croissant de lune.

Le seigneur du relief est probablement celui représenté en armure sur la dalle funéraire qui se trouve à l’entrée du chœur. Son nom est effacé mais la date de son décès est encore lisible et indique 1548. Il porte les armoiries de la famille sur un tabar, c’est-à-dire sur un tissu qui recouvre l’armure, qui ont été décrites au début du XXe siècle lorsqu’elles étaient encore lisibles. Ces armoiries comportent deux coqs et un croissant de lune, ce qui correspond aux armes de la famille Villequoy et se retrouvent sur une autre dalle et la litre funéraire peinte au mur de l’église.

Les autres armoiries représentées dans l’église ne sont pas toutes déchiffrées. A part celles des Villequoy, on retrouve celles des Hallot, autre famille influente de la région et également originaire de Normandie. Une autre dalle funéraire semble d’ailleurs concerner la veuve de Gilles de Villequoy, Renée de Hallot


Des sculptures de grande qualité marquées par les conflits religieux du XVIe siècle

Trois sculptures de saints ont été restaurées au cours de cette campagne, en 2020 : saint Nicolas, saint Eloi et saint Pierre. La restauration a eu lieu en partie dans le laboratoire du pôle patrimoine, au sein du bâtiment des archives départementales des Yvelines.

Lors de la restauration, il a pu être observé que les trois statues portent des marques similaires de cassures et de réparations anciennes. Les dégâts attestent de destructions volontaires qui semblaient viser spécifiquement la tête et les mains des statues. Les résidus de terre qui se trouvaient dans les creux des sculptures indiquent qu’elles sont restées au sol un certain temps et suggèrent des réparations rapides. Ces réparations sont assez maladroites, comme l’attestent les problèmes de proportion de la tête de saint Nicolas (trop grosse pour son corps) ou ceux des corps des enfants qui l’accompagnent. D’autres réparations au plâtre, cachées par un badigeon, ont été mises au jours lors de la restauration.

Ces destructions sont le témoin d’une histoire violente. Dans les registres de l’état civil, en 1596, le curé constate l’absence d’inscription d’actes car les gens de Thionville se sont tous retirés à Houdan. Cette période correspond à la dernière phase de la guerre de la Ligue qui se déroule dans la région : suite à la Bataille d’Ivry et la reddition de Mantes (1590), le roi Henri IV, alors basé à Mantes, prend Dreux en 1593. L’année suivante, il est sacré roi de France à Chartres.

Les trois statues présentent une grande qualité de sculpture et des décors raffinés, masqués jusque-là par le badigeon qui les recouvraient. Le calcaire, très blanc et très fin, était finement sculpté de riches ornements pour les vêtements liturgiques des deux évêques (saint Nicolas et saint Eloi). La tête originale qui subsiste est d’un grand raffinement dans la recherche de l’expression. Les ornements étaient peints avec la virtuosité des spécialistes de cette période (des glacis de laque), le tout abondamment rehaussé de dorure. Par exemple, le saloir des trois enfants de la légende de saint Nicolas était entièrement doré.


L’église après le XVIe siècle : ajouts et remaniements


Outre les nombreux éléments du XVIe siècle mis au jour lors de la restauration de l’édifice, des objets ultérieurs témoignent de l’histoire du lieu après le XVIe siècle.

Dans les combles de l’édifice a été trouvée une cloche de la fin du XVIIIe siècle. Sans doute placée à cet endroit suite à la démolition de la nef de l’église en 1821, cette cloche est aujourd’hui présentée dans la sacristie. Il fallait en effet trouver un nouvel emplacement pour la cloche, le plancher construit au XIXe siècle ayant été retiré lors de la restauration du bâtiment de manière à pouvoir restituer et rendre visible la voûte lambrissée. Cette opération a permis de redécouvrir la dédicace de la cloche qui indique : « L’an 1776 j’ai été bénie par Mr Jean Louis Lair curé de cette paroisse et nommée par / Messire Charles François Thorin conseiller au Parlement de Besançon seigneur de Thionville / et par dame Marie Geneviève Victoire Polisse son épouse du temps de Charles Godard / marguillier ». Une autre inscription permet d’identifier le fondeur qui a fabriqué la cloche, Michel Desprez.

Seul élément classé au titre des Monuments Historiques, le retable de l’église a été entièrement démonté pour sa restauration. Le retable est daté du XVIIeou du XVIIIe siècle et a probablement été conçu pour la nef de l’église puis déplacé lors de la démolition de cette partie de l’édifice au XIXesiècle. L’intervention du restaurateur a nécessité un dépoussiérage de l’ensemble, des traitements insecticide et anti fongique, un remplacement des parties trop abîmées et des consolidations ponctuelles. Le retable ne comporte plus les peintures qu’il devait originellement contenir. La recherche sur ces toiles n’ayant pas abouti, il a été choisi d’installer des toiles de lin unies dans les cadres vides.

Cette grande opération de restauration a permis de sauver cette église chargée d’histoire mais aussi de révéler la valeur patrimoniale de cet édifice et des objets qu’il contient. L’église peut être visitée à certaines occasions, par exemple lors des Journées du Patrimoine !

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