Des toiles marouflées dans l’église de Chevreuse
Découverte du mois d’octobre
L’église Saint-Martin abrite en son sein d’importantes peintures monumentales du XIXème siècle ! Réalisé en peinture à la cire, le décor est exécuté sur des toiles fixées sur les murs de l’église par marouflage.
Une œuvre de Charles de Coubertin
Charles-Louis Frédy de Coubertin (1822-1908) est un peintre connu essentiellement pour ses œuvres religieuses. Il est formé auprès de François Picot (1786-1868), peintre néo-classique réputé pour son enseignement. Il effectue plusieurs voyages à l’étranger, notamment en Italie où il suit de longues études, ainsi qu’en Allemagne et au Moyen-Orient. D’abord peintre d’histoire, Charles de Coubertin exerce aussi comme portraitiste. S’il témoigne dans ses premières années d’un intérêt pour l’orientalisme, il développe par la suite une peinture plus académique et se tourne vers des sujets principalement religieux. Il participe à de nombreux salons, dont le salon des artistes contemporains de Paris, et produit plusieurs décors muraux d’églises en employant un savoir-faire acquis en Italie. L’œuvre de Charles de Coubertin est très importante et ses peintures sont visibles dans divers musées, aussi bien en France qu’à l’étranger. Une de ses réalisations les plus spectaculaires est « Le Cortège pontifical », une frise de 8 mètres de long commandée par le pape Pie IX et présentée au Salon de 1861, qui se trouve aujourd’hui au musée du Vatican. Son œuvre est reconnue à partir des années 1860. Il reçoit la Légion d’Honneur en 1865.
La famille de Coubertin est très anciennement liée à la vallée de Chevreuse : la seigneurie de Coubertin, actuel domaine de Coubertin (situé à Saint-Rémy-Lès-Chevreuse), est acquis en 1577 par Jean-François Frédy, alors anoblit par le roi Louis XI. Fidèle à cet ancrage familial, Charles de Coubertin réalise des vues du château de Chevreuse, des décors pour le château du domaine familial à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, ainsi que plusieurs portraits et des décors pour les églises Saint-Martin (Chevreuse) et Saint-Rémy-de-Reims (Saint-Rémy-lès-Chevreuse). Le décor pour l’église de Chevreuse a été exécuté entre 1858 et 1860 et a été présenté au salon des artistes contemporains de Paris de 1863 dans la section « monuments publics ». Les peintures sont installées dans la nef de l’église.
Une peinture à la cire sur toile marouflée
Les peintures de Charles de Coubertin pour l’église de Chevreuse sont des toiles marouflées, c’est-à-dire qu’elles ont été réalisées en atelier puis adaptées pour être fixées au mur de l’édifice au moyen d’une colle appelée maroufle. Des traces de repères et la coupure de certaines toiles en deux lés attestent de cette méthode. Les œuvres ont été exécutées en peinture à la cire. Il s’agit d’un mélange de cire et d’huile, une technique courante au 19e siècle qui permet d’obtenir un aspect mat. Les toiles en lin ont été préparées avec une couche fine de couleur gris clair. L’artiste a réalisé ses dessins préparatoires à la mine de plomb, visibles à travers la peinture.
Les œuvres ont été restaurées entre 2013 et 2014 par la municipalité de Chevreuse avec l’aide du Département des Yvelines. Les peintures étaient alors très abîmées : décollements de la toile, perte de matière picturale, crasse et poussière, déchirures et griffures, dégradation des matériaux entre la toile et le mur (enduit, colle), problèmes liés aux variations de température et d’humidité au sein de l’église… La restauration visait à permettre leur préservation et à améliorer leurs conditions de conservation. Elle a concerné aussi bien le support, c’est-à-dire la toile en lin, et la couche picturale (la peinture elle-même). Elle a été réalisée en plusieurs phase afin de traiter au fur et à mesure les six peintures. Les interventions ont été faites à la fois sur place et en atelier. Il était nécessaire de déplacer les œuvres afin de nettoyer et consolider leurs toiles : ces dernières ont été doublées et fixées sur un support neutre qui permet d’éviter un contact direct avec le mur.
Un ensemble narratif
Le décor réalisé par Charles de Coubertin est un ensemble de six peintures et s’étend sur trois travées. Il se lit en partant du chœur vers la nef. Chaque toile est divisée par un palmier en deux scènes. Il y est représenté des scènes historiées sur un fond doré ornementé de motifs géométriques, à la manière d’une mosaïque. Chacun des trois travées comprend deux toiles, donc quatre scènes historiées sur le thème des Saintes litanies (le terme litanie provient du latin litania et désigne une prière).
Travée 1 : scènes de la vie du Christ
Les peintures de la première travée représentent des scènes de la vie du Christ. Il y figure quatre scènes : le Christ Bon pasteur, le Christ à la colonne, le Christ ressuscitant et le Christ bénissant les enfants. Le nom de ces scènes sont identifiés par des inscriptions en latin qui font références aux Litanies du Saint Nom de Jésus.
Travée 2 : scènes de la vie de la Vierge
La deuxième travée est consacrée à la vie de la Vierge. On y retrouve quatre scènes : la Sainte Vierge console une famille qui lui présente son enfant mourant, la Sainte Vierge levant au ciel les flèches qui ont tué saint Sébastien, la Nativité de Jésus-Christ, la Sainte Vierge ouvrant le ciel à une jeune fille morte. De la même manière que pour les scènes de la vie du Christ, des inscriptions en latin indiquent le sujet de chaque scène et font références aux litanies de la Vierge. Il s’agit de prières qui énumèrent les qualités religieuses de la Vierge Marie.
Travée 3 : les saints patrons
La troisième et dernière travée concerne des saints locaux et le saint patron de l’église, Saint Martin. On y retrouve là encore quatre scènes représentants saint Gilles, saint Lubin, saint Martin et sainte Marie Madeleine. Chaque saint est identifiable grâce à une inscription en latin et par la représentation qui évoque un épisode célèbre de la vie du saint. Saint Gilles guérit un enfant malade et saint Lubin prêche l'Evangile. Pour saint Martin, c’est la Charité de Martin qui est représenté : saint Martin est habillé en légionnaire romain et partage son manteau, qu’il coupe à l’épée, avec un mendiant peu vêtu. Sainte Marie Madeleine se rend au sépulcre tenant dans ses mains le vase de parfum.
Ces peintures sont visibles au sein de l’église Saint-Martin de Chevreuse, un édifice intéressant également pour son architecture. Construite au 12esiècle, l’église a été remaniée plusieurs fois au cours des siècles. N’hésitez pas à en passer la porte pour découvrir les toiles de Coubertin !
Cécile Garguelle, « Charles-Louis Frédy de Coubertin (1822-1908) en vallée de Chevreuse », revue de l’histoire de Versailles et des Yvelines, tome 97, 2015, p. 90-101.